Documentaire 52'

Auteurs : Sébastien Daycard-Heid, Bertrand Dévé

Bangalore ne sera plus en capacité de fournir de l’eau à sa population en 2035. Cette ville de 13 millions d’habitants, à laquelle nous sommes liés quotidienne- ment, voit son lustre de nouvelle Silicon Valley terni par des décennies de crois- sance déconnectée de ses ressources naturelles. Enthousiasme des géants de l’outsourcing, étalement urbain, complaisance des politiques locales, manque de vision... Comment Bangalore, emblème de la rési- lience à travers les siècles, en est-elle arrivé là ? Peut-on encore sauver ce centre névralgique de la mondialisation ? Quelles sont les réactions au niveau local, national et international face à une problématique planétaire ?

Cette enquête environnementale sur une « ville-laboratoire » est aussi un film alerte sur une réalité méconnue. Le Cap, Sao Paulo, Pékin, Le Caire, Jakarta, Istanbul, Mexico... En tout, 10 mégapoles risquent de connaître le jour 0, lors- qu’elles seront privées d’eau potable, lors de périodes de sécheresse de plus en plus fréquentes. Avec le réchauffement climatique, la capacité de résilience des villes va subir un « stress test ». La mondialisation va-t-elle finir en panne sèche ?

Laurent Weyl / Collectif Argos

Comment Bangalore a-t-elle pu basculer si vite dans cette situation ?

A l’origine, Bangalore était pourtant un modèle de résilience. On l’appelait « la Garden city de l’Inde ». Au fil des siècles, l’homme avait dû rivaliser d’ingéniosité pour y lutter contre la sècheresse. Son talon d’Achille : être située trop loin des fleuves himalayens pour compter sur des ressources stables. Les Maharadjas au XVIème siècle, relayés par les anglais au XIXème siècle, avaient créé tout un sys- tème de drainage pour résoudre le problème : des lacs de retenue des eaux de la mousson reliés entre eux comme des vases communicants. L’historienne passionnée Harini Nagendra racontera l’histoire ancienne de la ville dans un récit épique des bâtisseurs.

Bangalore incarnait l’intelligence du pays. Comment 25 ans de développement ont pu ruiner 400 ans d’histoire ? Un seul haut fonctionnaire a osé jeter un pavé dans la mare : V Balasubramian. Selon lui, les gouvernements successifs de l’Etat du Karnataka, où se situe Bangalore, ont encouragé une croissance sans limites en spéculant sur la quantité d’eau disponible et en commettant des erreurs majeures. Ils n’ont pas pris en compte le réchauffement climatique qui diminue le régime des moussons. Ils n’ont pas agi contre l’étalement urbain qui prive Bangalore de ses lacs de rete- nue, ni lutté contre leur pollution. Ils n’ont pas développé le système d’assainissement et de distribution d’eau, aujourd’hui obsolète. Ils ne régulent pas le business des camions citernes, qui vide peu à peu les nappes phréatiques.

Résultat : une crise menace Bangalore dans les dix prochaines années selon T.V Ramachandra, scientifique à l’Institut indien des Sciences... et il est désormais trop tard pour faire machine arrière. La désalinisation est impossible à mettre en place dans cette ville située sur le plateau de Deccan, à 1000km des côtes. Les rivières sont déjà surexploitées. La construction de pipelines et de barrages supplémentaires est un coup d’épée dans l’eau, et pousse déjà les agriculteurs vers la faillite.

Le lac Hesaragata, un des 150 lacs de Bangalore, quasiment asséché

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